

Année de parution : 1992 |
Pays d’origine : Royaume-Uni |
Édition : 4 x CD, Discipline – 1992 |
Style : Rock Progressif, Experimental Rock, Avant-Prog, Improv |
Ce coffret, c’est un peu le paradis (ou l’enfer, s’entend) pour tout mélomane qui se respecte. C’est l’éden pour tout fan du roi… et on s’entend sur ce point ; je ne parle pas du célèbre Roi Heenok (t’entend ?) mais bien du roi pourpre. King Crimson, malgré la qualité indéniable de leurs productions studio, a toujours été un groupe de scène avant tout. C’est devant le public (dans un contexte de création sonore totale et sans entrave) qu’ils ont toujours réussi à exprimer le plus leur fabuleux vocabulaire sonore. Je m’égare mais on peut facilement le constater pour la mouture du groupe des années 90 (le fameux double-trio) : les enregistrements « live » du groupe sont, pour la plupart, beaucoup plus intéressants que les albums officiels (je prend « THRaKaTTaK » et « Vroom Vroom » à la place de « Thrak » any day of the week). Mais bref, revenons-en à l’objet, mythique s’il en est.
The Great Deceiver… Le grand Trompeur. Ouais, un nom qui colle bien à ce Box Set légendaire composé de 4 CDs tous plus ahurissants les uns que les autres. Parce que King Crimson, surtout dans cette version là de son line-up, c’est une bande d’alchimistes du son… À la croisée des chemins du rock progressif, de l’avant-garde, du classique, du proto-RIO (ouais!) et de l’ambient, ils nous livrent une musique qui est proprement indéfinissable et insaisissable… Cette musique est rêve opiacé… Cette musique est cauchemar neurasthénique… On ne sait pas vraiment dans quel genre ils œuvrent, si ce n’est que leur son est massif, colossal, vertigineux, légion… Ils peignent des ailleurs indomptables avec une facilité déconcertante. Ils sont totalement/irrémédiablement libres et pourtant contrôlés par l’architecte fou qu’est Robert Fripp… Ils produisent une musique qui est, à tout moment, à la limite du chaos mais sous le joug d’un métronome dément. Improvisations fantasques, pièces aux milles orfèvreries grisantes, respirations noctambules d’une musique qui vacille au bout de la nuit noire. Cette musique est une Stout Impériale Russe… opaque. décadente, orgiaque, mais amère… On ne peut pas goûter toutes ses subtilités à moins d’en savourer ses contours sinueux à plusieurs reprises.

Ici, la créature de Fripp est devenu un monstre aux tentacules totalement amovibles. Il est l’épicentre de la chose mais la chose est animée de partout. Elle grouille. Elle vit. Elle s’élève vers des étoiles qui menacent de devenir supernovas à tout moment. David Cross, sous-officier des splendeurs extatiques, y va de son violon impressionniste et de son mellotron dantesque, colorant les toiles d’ébène qui ornent les couloirs du château du roi pourpre… Il nous livre milles petites symphonies, milles ornements post-baroque, milles visages grimaçants/souriants/pleurants… John Wetton, du haut de sa voix bluesy et de sa basse véloce à souhait, est le sous-intendant parfait du royaume post-moderne du roi touché par la grâce et la folie… Il entonne les ballades de ce nouveau monde dévoué au vide et à ses secrets. Il manœuvre sa basse comme si il s’agissait d’un trésor enfoui en des ténèbres millénaires. Ça gronde, ça réverbère et ça se marie magnifiquement aux démences rythmiques de Bill Bruford, batteur touché par la grâce, sorte d’archange brumeux qui vient ajouter sa couche jazz-schizo à l’ensemble en constante métamorphose. Fripp plane au dessus de la bête et est pourtant en son cœur. Son jeu est mécanique, froid, clinicien, dénué de toute forme d’émotion qu’on retrouvait jadis dans son art (Sailor’s Tale, par exemple). Suffit de croiser son regard d’ébène dans les performances « live » captées à l’époque pour la télévision française pour comprendre qu’on à affaire à un mec qui n’a plus rien à prouver (l’est très gangsta, genre « what you lookin at beyotch !!! And don’t put those horrible psychedelics background effects behind us, bro ! »). Fripp joue comme un chirurgien du cerveau qui opère avec une dextérité hors du commun. On retrouve ici ses meilleures perfos à la gratte, sans conteste.
Peu importe le nombre de redites (pas moins de 4 versions différentes de « Larks Tongues in Aspic part II » et 4 autres versions de « Easy Money »), le groupe réussit à transfigurer ses morceaux et les rendre toujours intéressants ; voir même à les réinventer complètement parfois. On trouve pas moins de 15 (!!!) impros toutes plus délurées les unes que les autres à travers ce « Great Deceiver ». C’est l’occasion de se pencher sur la quintessence du roi poupre alors qu’il expérimente somptueusement dans cette lande dévastée où tout est à reconstruire, à défaire et à re-re-ériger de nouveau.
The Great Deceiver est vraiment le monument crimsonesque par excellence. Il FAUT que tout fan du groupe sérieux se penche sérieusement sur ce chef d’oeuvre incomparable de toute urgence.
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